Lorsque nous abordons le sujet de la santé mentale, nous évoquons souvent des problèmes courants comme le stress, l’anxiété et la dépression. Parler d’eux et les déstigmatiser est une mission honorable. Si l’on souhaite vraiment aborder ces questions, il faut regarder à l’intérieur du cerveau.

Nous avions l’habitude de penser que nos cerveaux étaient statiques. Nous savons aujourd’hui qu’ils ont une incroyable capacité à changer tout au long de la vie. Nos cerveaux sont de vrais miracles. Ce sont 100 milliards de neurones qui se connectent et communiquent entre eux pour former des circuits prenant en charge nos pensées, nos émotions et nos comportements. Bien que cette science du cerveau puisse sembler compliquée et même décourageante, une chose est essentielle à retenir : chacun de nous a le pouvoir de changer son propre cerveau.

Ce pouvoir se manifeste notamment par la façon dont nous réagissons au stress. Le stress fait partie intégrante de la vie. Il façonne la manière dont le cerveau change et s’adapte ; pour le meilleur comme pour le pire. Lorsque nous sommes stressés parce que nous ne pouvons pas contrôler notre situation, les pensées négatives et les émotions prennent place en nous. 

Ma recherche se concentre sur ce qui se passe en période de stress négatif extrême. Le stress en soi n’est pas mauvais. Certains types de stress sont positifs, comme le stress associé à un projet ambitieux et important pour vous. Mais lorsque le stress négatif devient cumulatif, nous sommes enclins à expérimenter un « court-circuit » dans les parties de notre cerveau responsables des pensées et des émotions. Nous sommes alors coincés dans une boucle. Ces courts-circuits ne sont pas une forme de faiblesse ou un défaut de personnalité. Ils relèvent de la biologie en interaction avec notre expérience. Tout le monde en fait l’expérience à un moment donné.

Quel est donc le lien avec notre santé mentale ? J’ai étudié ces courts-circuits à l’aide de la technologie d’IRM haute définition. J’ai ainsi pu identifier huit façons distinctes par lesquelles les circuits cérébraux peuvent être perturbés ou bloqués. Je les appelle des biotypes. Lorsque vous subissez un stress négatif persistant que vous ne pensez pas pouvoir contrôler, une pression constante apparaît dans les circuits de votre cerveau. Si vous ne trouvez pas un moyen de vous adapter au stress, vos circuits cérébraux seront de plus en plus sous pression et finiront par se bloquer. Ce sentiment d’être « coincé » et de ne pas trouver de moyen de s’en sortir ou d’y réfléchir est en fait ce que nous appelons une dépression clinique ou un trouble d’anxiété clinique. Dans ces situations, il peut être très difficile d’être productif ou de maintenir des relations.

Nous avons tendance à considérer la dépression comme une chose monolithique. Toutefois, tout comme il existe différents types de cancer, chacun ayant ses propres symptômes et son propre traitement, il existe différents types de dépression. La compréhension de ces biotypes (qui sont en fait les différents moyens par lesquels le stress négatif peut s’exprimer) nous permet de comprendre réellement notre propre cerveau. Je crois que c’est notre meilleur atout.

La santé mentale fonctionne comme tout autre domaine de la santé. De la même façon que nous réfléchissons aux aliments que nous consommons, nous devons réfléchir à ce que nous donnons « à manger » à notre cerveau. Quelles informations lui donnons-nous, sur quoi nous concentrons-nous, comment le formons-nous et comment recherchons-nous le stress positif qui nous aide à renforcer notre résilience et à apprendre des stratégies pour gérer le stress négatif ? Je suis convaincu que plus vous comprenez les réponses à ces questions, et celles concernant votre propre cerveau en général, mieux vous êtes en mesure de prévenir et de vivre pleinement votre vie.

Une personne peut s’inquiéter excessivement, avoir du mal à se concentrer ou avoir tendance à ressasser encore et encore sur une expérience négative. Quand une personne se reconnaît dans un biotype, c’est qu’elle réagit peut-être ainsi au stress négatif. Cela ne signifie pas nécessairement qu’elle est en dépression clinique. Il peut s’agir d’une étape importante vers l’apprentissage du fonctionnement de son cerveau. Lorsque nous pouvons nommer le défi auquel nous sommes confrontés, nous sommes d’autant plus en mesure de le relever. C’est un moyen de comprendre comment fonctionne notre propre cerveau.

J’ai moi-même amorcé ma mission il y a plus de 20 ans. J’étais déterminée à comprendre comment le cerveau fonctionne pour mieux appréhender la façon dont nous travaillons en tant qu’êtres humains. Nous ne pourrons pas nous atteler à résoudre la crise mondiale en matière de santé mentale sans en comprendre la racine : notre cerveau. Au début de ma carrière, j’ai perdu quelqu’un qui s’est suicidé et, par la suite, plus récemment, un être cher, de la même façon. Ces événements n’ont fait que cristalliser le sentiment d’urgence que j’ai toujours ressenti pour faire face à cette crise.

Pour accélérer les nouvelles découvertes et solutions, j’ai fondé le Stanford Center for Precision Mental Health and Wellness (PMHW). Le PMHW repose sur une équipe dévouée, qui s’appuie sur des bases solides. Nous avons effectué des milliers d’heures d’imagerie cérébrale et parlé avec des dizaines de milliers de personnes. J’ai rendu tout cela possible en orchestrant des collaborations internationales. Nous utilisons tous les outils à notre disposition pour comprendre les neurosciences de la santé mentale.

Voici une introduction aux huit biotypes, au circuit cérébral qui les définit le plus et à certaines des pensées, émotions et comportements impliqués concernant chacun :

« Rumination »  

  • Implique le circuit par défaut du cerveau.
  • Tendance à s’inquiéter de façon répétée et à avoir des pensées négatives provenant de sa voix intérieure.
  • Le discours intérieur négatif répété peut créer des tensions internes et perturber les fonctions sociales et professionnelles.

« Évitement anxieux »

  • Implique le circuit de saillance du cerveau.
  • Les situations qui provoquent de l’anxiété peuvent à leur tour avoir une expression physique telle qu’une sensation d’oppression intestinale, des paumes moites ou des palpitations. Ces expressions physiques peuvent amener une personne à fuir davantage la situation qui déclenche le stress.
  • La personne peut ressentir le besoin de se retirer d’une stimulation stressante et de réorienter son attention.
  • Peut avoir un impact sur la satisfaction de la vie.

« Biais négatif »

  • Implique le circuit des effets négatifs du cerveau.
  • La personne peut se sentir prise au piège dans un cycle de négativité et s’attendre au pire ; nous pourrions penser que cela est « catastrophique ».
  • Peut être à l’écoute des commentaires négatifs des autres et de l’environnement et ne pas voir le positif.

« Réponse aux menaces »

  • Implique le circuit d’affect négatif du cerveau lorsqu’il est activé par des menaces (réelles ou perçues) dans son environnement.
  • La personne est hyper à l’écoute de ces menaces.
  • Active des réactions automatiques qui mettent le cerveau et le corps en « mode alarme » et qui peuvent être difficiles à désactiver.
  • Ces réactions automatiques peuvent être ressenties comme des sensations physiques telles que tremblements et étonnement.

« Engourdissement émotionnel »

  • Implique le circuit des effets positifs du cerveau, également connu sous le nom de circuit de récompense.
  • La personne est quelquefois incapable de se réjouir des activités qui lui apportent habituellement de la joie et donnent un sens à sa vie.
  • Il lui faudra peut-être faire plus d’efforts pour répondre aux interactions positives et avoir l’impression de passer à travers les mailles du filet.

« Insensibilité au contexte »

  • Implique la régulation du circuit affectif positif du cerveau.
  • La personne peut se sentir tellement épuisée qu’elle perde sa motivation dans toutes les sphères de sa vie.
  • Peut nécessiter des efforts extrêmes pour fonctionner au travail ou au sein d’un couple.

« Inattention »

  • Implique le circuit d’attention du cerveau.
  • Difficulté à se concentrer et à rester concentré.
  • La personne peut se sentir épuisée par le besoin de se forcer à se concentrer sur une tâche.
  • Les tâches essentielles au travail et à la maison peuvent être difficiles à réaliser.

« Brouillard cognitif »

  • Implique le circuit de contrôle cognitif du cerveau.
  • Le cerveau peut sembler brumeux plutôt que tranchant.
  • Difficulté dans la pensée exécutive qui repose sur la prise de décisions et l’inhibition des pensées et réactions indésirables.
  • Peut rendre la planification plus difficile.

Je trouve extrêmement gratifiant de partager ces recherches avec des personnes qui pourraient en bénéficier directement. La compréhension de ces biotypes nous aide à faire passer la question de la santé mentale du stade de la prise de conscience à celui de l’action. Lorsque les individus peuvent identifier leurs propres signes de stress, ils ont les moyens de prendre des mesures significatives dans leur vie quotidienne en conséquence. Pour plus d’informations sur notre travail, vous pouvez visiter http://med.stanford.edu/pmhw.

Ce contenu est informatif et éducatif. Il ne remplace pas les conseils médicaux, le diagnostic ou le traitement d’un professionnel de la santé. Nous vous encourageons à parler de vos besoins individuels avec votre médecin traitant ou à consulter NAMI pour plus d’informations.

Author(s)

  • Leanne Williams, Ph.D.

    Professor of Psychiatry and Behavioral Sciences at Stanford University School of Medicine

    Leanne Williams, Ph.D. is a Professor of Psychiatry and Behavioral Sciences at Stanford University School of Medicine. Dr. Williams is the founding Director of the Williams PanLab for Precision Psychiatry and Translational Neuroscience. She has developed a radical new way to understand and treat mental disorders, anchored in a neuroscience-informed model for precision mental health. In 2018, Dr. Williams launched as founding Director Stanford's Center for Precision Mental Health and Wellness. The Center connects researchers across the campus and country to advance high definition imaging biotypes for mental health, sensor technology, machine learning approaches, targeted therapeutics and the world's first biotype-guided trials. Dr. Williams also leads department-wide initiatives in precision mental health as Associate Chair of Translational Neuroscience. She has a joint position at the Palo Alto VA Mental Illness Research, Education and Clinical Center where she is Director of education and dissemination. After first graduating Dr. Williams worked with patients experiencing serious mental disorders and who had been hospitalized for many years. This experience transformed the trajectory of her career. She went on to complete her PhD in 1996 with a British Council scholarship for study at Oxford University. She joined the Stanford faculty as a Professor of Psychiatry and Behavioral Sciences in 2013. Prior to this time, she was foundation Professor of Cognitive Neuropsychiatry at the Sydney Medical School and Director of the interdisciplinary Sydney Brain Dynamics Center for 12 years. Her translational programs integrate advanced neuroimaging, technology and digital innovation to transform the way we detect mental disorders, predict mental states, tailor interventions and promote wellness. Data-driven computational approaches are used to refine this transformative approach. Her experience is that a neuroscience-informed model empowers each person with an understanding of their own brain function and can reduce stigma. Her research forms the foundation of the first patented taxonomy for depression and anxiety that quantifies brain circuits for diagnostic precision and prediction. She has contributed over 290 scientific papers to the field.